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Délivrer les mémoires du Placenta, accoucher de l'arbre généalogique



Un bébé tout rougi et fripé regarde le monde avec des yeux grands ouverts, tout imprégné de l’adrénaline qui lui a permis de survivre cet accouchement. Fin de la tempête, il a poussé son cri ce qui a déployé ses poumons et permis de mettre en route la circulation pulmonaire jusque là inexistante. Bientôt, il n’aura plus besoin de ce cordon ombilical qui durant 9 mois a assuré l’apport en oxygène et nutriments. D’un point de vue physique, le cordon n’a plus de raison de rester branché. Pourtant si on ne le sectionne pas, il ne cesse de battre qu’au bout de 20 à 30 minutes après la première respiration. Après 8 jours, il se dessèche spontanément et le bouton ombilical tombe tout seul. La nature n’est pas pressée. Le temps est nécessaire pour que le mystère de l’attachement laisse place à l’autonomie.

Souvent on oublie qu’il y a une autre personne à l’autre bout du cordon : la mère et plus particulièrement son intercesseur le placenta. Pour Michel ODDENT, le placenta est l’avocat du bébé qui négocie avec la mère chaque fois que l’harmonie entre eux deux n’est pas physiologique. C’est lui qui envoie les messages chimiques afin que la mère modifie son volume sanguin, son taux de sucre pour s’adapter au besoin du fœtus.

Il est donc normal pour le bébé de garder une nostalgie de cet ancrage qui lui a permis sauf situations pathologiques, d’avoir tout ce qui lui convenait et ce dans une communication télépathique avec sa mère.

Le placenta fait office d’ancre à ce ballon amniotique dans lequel flotte l’embryon. Il est son port d’attache qui va le ravitailler durant ce voyage in utero. C’est la seule partie qui est en contact intime avec la mère, comme si le fœtus était connecté à une source maternelle.

Dans une vision embryologique et évolutive, Olivier SOULIER parle du placenta comme de notre nécessité de nous sédentariser, de nous accrocher à la matière et cela dès le début de la vie pour pouvoir ensuite aller plus loin. Chez les poissons, le placenta n’existe pas ; ils pondent des œufs en grande quantité mais sans filiation possible. Chez les oiseaux et les reptiles, le placenta n’est pas branché sur la mère. Le rapport filial n’existe que pendant l’allaitement et cesse une fois le sevrage terminé. Chez les mammifères, le placenta permet de créer un attachement qui influence les comportements périnataux et permet ainsi aux femelles vivant en troupeau de reconnaître instinctivement leurs petits lors des déplacements. Chez l’homme, l’attachement est vital car le nouveau né est le seul mammifère à ne pas tenir debout sur ses pattes à la naissance. Le sentiment de dépendance persiste donc plus longtemps dans notre espèce et la première séparation physique qui va se faire via le placenta est un modèle dont l’enfant va se nourrir dans son développement psychologique. Avocat des premières heures, le placenta devra disparaître pour laisser la communication mère enfant se faire sans médiateur dans un face à face source d’individuation et libérateur de l’attachement initial.

Un arbre généalogique in utero

Le placenta est formé à partir des cellules de l’embryon au tout début de la grossesse, avant même la différenciation cellulaire qui va donner les différents organes. Il se construit donc à partir des cellules du père et de la mère qui se développent à l’extérieur du bébé. Lorsqu’il est séché, les vaisseaux calcifiés lui donne une arborescence qui me fait dire qu’il est l’arbre généalogique réunissant par le biais des cellules parentales les traces de chaque membre de la famille.

Cette interface entre la mère et le bébé et son expulsion suite à la naissance représentent tout un symbole pour la jeune accouchée. Autant la coupure du cordon a un sens libérateur pour le nouveau né, autant l’accouchement du placenta est signe d’une réelle délivrance pour la femme. Je vois dans cette analogie une occasion pour la mère de mettre consciemment cette mémoire familiale hors d’elle afin qu’elle puisse reprendre pouvoir sur son propre corps de femme sans être esclave de la mère en elle.

Lorsqu’il y a une rétention placentaire à l’accouchement, la mère peut signifier dans son corps qu’elle a du mal à laisser partir son enfant. Cela peut rappeler des mémoires de peur de ne pouvoir s’occuper de l’enfant lorsqu’il est hors du ventre. Elle peut aussi se sentir liée à cet arbre généalogique parce que la famille est la seule solution de survie dans son inconscient. Cela parle de mémoires où la mère n’a pas pu nourrir les enfants. La solution animale dans ce cas est de garder en soi ce qui nourrit pour pouvoir assumer le rôle de mère.

Trop souvent à l’accouchement, toute l’attention se porte sur le bébé et la maman. Le placenta reçoit moins d’honneur bien qu’il ait occupé 30% de l’utérus. On peut comprendre que la nouvelle vague de contractions qui apparaît en général 30 minutes après la naissance, soit vécue dans la fatigue et dans l’indifférence car c’est la vie de l’enfant qui prime. La délivrance est un deuxième accouchement qui est considéré comme un acte technique alors qu’il est le reflet conscient de la possibilité pour une mère de laisser partir tout ce qui l’a relié biologiquement à son enfant pendant la grossesse. Cette partie de la naissance mérite qu’on l’explore dans les thérapies périnatales lorsque l’attachement filial qui à l’origine est salutaire pour prendre soin du nouveau né devient nocif quand l’adulte infantilisé n’arrive pas à quitter ses parents.

La délivrance ne pouvait être mieux nommer pour parler de l’expulsion du placenta car elle évoque bien un acte final sensé rendre à la femme la vacuité initiale de son utérus. Même si celui-ci met plusieurs mois à reprendre sa taille normale, il est enfin redevenu vide et la femme n’est plus porteuse de la vie. C’est le signe pour elle d’une renaissance consentie à la femme en elle, qui a accepté de perdre sa création pour continuer sa route sans porter dans son ventre les traces inconscientes de son arbre généalogique.

Grâce à la délivrance c’est deux personnes qui naissent à leur propre indépendance.

Isabelle Burnier, Juin 2005

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